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Notre traversée de l'Atlantique

  • Photo du rédacteur: shanghaijess
    shanghaijess
  • 31 déc. 2019
  • 8 min de lecture


Nous voici au moment tant attendu, le grand moment de ce voyage : la traversée de l’Atlantique !

Le trajet : nous partons de Mindelo au Cap Vert vers les Antilles et plus précisément vers l’île de Saint Lucie, à Rodney Bay.


Nous sommes donc à Mindelo où nous faisons une escale de 4 jours avant le Grand Départ. Comme à Las Palmas, la veille du départ, nous assistons à un briefing où on nous parle des conditions de navigation. Cette fois-ci elles s’annoncent plutôt bonnes : mer calme, vagues de moins de 3 mètres. Elles risquent même d’être un peu trop calmes car il y aura une zone de dévente à éviter sur le trajet. Nous sommes rassurés car avoir les mêmes conditions que pour la traversée vers le Cap Vert auraient été un « no go » pour nous ! Je suis cependant un peu angoissée, la traversée précédente m’ayant pour le moins échaudée, je ne suis pas du tout rassurée. D’après notre logiciel de navigation, ce n’est pas une semaine mais bien 18 jours de navigation qui nous attendent et cela me parait tout simplement énorme… Nos amis français qui ont des bateaux beaucoup plus gros et plus rapides que le nôtre tablent plutôt sur 14 – 15 jours, ce qui me parait être une durée beaucoup plus acceptable… Bref, ce n’est pas de gaité de cœur que je me lance dans cette nouvelle traversée !


Le début de la traversée


Le jour du départ le 21 novembre 2019, nous sommes à nouveau les derniers à sortir du port. A la sortie de Mindelo, nous tombons dans une mer démontée. Cela nous surprend même si les conditions entre deux îles peuvent être compliquées. Nous l’avons vécu aux Canaries et il semblerait qu’au Cap Vert ce soit pareil... Ces conditions vont cependant durer car la première après-midi de navigation et la première nuit seront plutôt mouvementées. Mais dès le deuxième jour, la mer se calme. Nous décidons de rester très au nord de la destination entre le 15e et le 16e parallèle (Sainte Lucie se trouvant au 14e). Nous avançons bien et nous sommes plutôt contents de notre positionnement : nous sommes dans le milieu du classement.

Tous les jours, nous envoyons un petit mail à nos familles pour leur donner quelques nouvelles brèves et les rassurer. Nous recevons également quotidiennement des informations météo de l’ARC ainsi que notre positionnement dans la course. Nos amis Marc et Rosa sont quasiment en tête de course avec leur Amel qui leur permet par un ingénieux système de double tangon d’avancer en vent arrière (mais eux vont à Saint Vincent et non pas à Sainte Lucie).

De notre côté, pas de double tangon, malheureusement ! Mais non tangonnons le génois ce qui nous permet de bien avancer.


Nous remarquons très rapidement que sur l’Atlantique les journées se ressemblent de façon étonnante : le matin, il y a du vent et ça avance bien ! Généralement les après-midis, le vent baisse voire tombe certains jours et nous sommes au ralenti. Puis en début de soirée, le vent se lève de nouveau et nous retrouvons un bon rythme de navigation. La nuit, les conditions sont souvent agitées, on sent que le pilote lutte pour garder le cap, mais globalement on avance plutôt bien.


Au bout d’environ cinq jours, nous décidons de descendre plus au sud afin d’éviter une zone de dévente qui s’avance sur notre trajet (on s’est rendu compte par la suite que c’était une fausse alerte…), et cela va marquer le début de notre ralentissement… En effet, cette route (cette amure) adonne beaucoup moins et nous perdons en vitesse. Notre classement s’en ressent fortement.

Afin d’accélérer un peu le rythme, nous nous décidons à sortir notre spinnaker. Nous ne maitrisons pas bien cette voile qui est spéciale : c’est un spi symétrique montée sur un emmagasineur. C’est très inhabituel et nous ne savons pas très bien nous en servir… Rien que la préparation nous prend une heure, mais lorsqu’enfin nous pouvons hisser le spi, nous perdons la drisse en haut du mat! C’en est fini de nos velléités de vitesse… Notre seule option est de continuer à tangonner le génois.


Le drame !


Au bout d’une semaine de navigation, nouveau coup de théâtre : notre pilote s’arrête brutalement le soir du 7e jour de navigation vers 21h ! Nous pensons que c’est encore la chaine qui a cassé comme sur la traversée vers Ibiza et nous décidons d’attendre le lendemain matin pour la réparer. Nous avons en effet, réussi à commander une chaine de rechange (sur un site de matériel agricole !) et nous sommes optimistes sur l’issue du problème.

Le lendemain matin, nous changeons la chaine qui bien qu’elle n’ait pas été cassée comme nous le pensions est du moins abimée : un grand nombre de maillons sont bloqués et ne peuvent plus s’emboiter sur le pignon d’entrainement. Bizarre bizarre ! Nous redémarrons le pilote… qui reste sans réaction ! On entend bien le moteur du pilote qui tourne, mais rien ne se passe… Nous finissons par voir qu’il y a un autre problème : en résumé, à cause d’un bête problème de vis, le moteur ne peut plus actionner le pignon qui entraine la barre à roue… Au final, nous passerons huit heures à essayer de réparer ce problème… sans succès… Après tous ces vains efforts, il faut nous rendre à l’évidence : nous allons devoir barrer à deux pendant les 11 jours restants !!! Nous sommes moralement effondrés, c’est une de nos pires angoisses qui se réalise. Mais on n’a pas le choix, quand faut y aller, faut y aller !

De plus ces huit heures passées à la cape (bateau à l’arrêt) ont achevé de nous faire tomber tout à la fin du classement, nous sommes à présent les derniers de la course. C’est bête mais ça achève de nous déprimer totalement…

Un pilote automatique est souvent considéré comme une personne à part entière sur un bateau. Sans notre pilote, nous perdons donc un membre d’équipage, et nous allons vite nous rendre compte que perdre notre barreur est une vraie galère lorsque nous ne sommes que deux à bord. Cela signifie se relayer constamment pour barrer, en ayant à peine le temps de se reposer. Mais à la limite ce n’est pas le pire. En principe, ce n’est pas compliqué de barrer : on se fixe un cap à tenir et puis c’est tout. Le problème, comme on va s’en rendre compte, est que tenir en cap dans l’océan atlantique, et bien c’est très difficile, ce n’est pas du tout comme barrer en méditerranée ! Les vagues même si elles ne sont pas très hautes, sont très puissantes et viennent sans arrêt perturber la barre. Il faut lutter pour maintenir un semblant de cap, c’est très physique sur la durée. Les premiers jours, nous avons des courbatures dans tout le haut du corps et nous devons même prendre du doliprane.



L’angoisse de la nuit


Le pire, ce sont les nuits. On a vite compris pourquoi le pilote semblait parfois galérer ! La nuit des phénomènes bizarres se produisent : des courants (ou d’après Alex, des vagues croisées, nous ne sommes pas d’accord sur ce point) entrainent le bateau parfois à une vitesse super rapide, si bien que barrer est un challenge. Dans ces cas-là, c’est difficile de garder le cap, il faut constamment lutter avec la barre pour corriger le cap. Sans oublier les grains tropicaux qui arrivent sans crier gare à n’importe quel moment du jour et de la nuit, mais surtout la nuit ! Dans ces cas-là, le vent peut passer de 12 à 25 nœuds en 3 secondes. En général, c’est très rapide, mais parfois ça peut durer…

De plus, tout est amplifiée la nuit : nous avons souvent l’impression que le bateau va très vite emporté par un courant, mais après vérification on se rend compte que ce n’est pas le cas, c’est le manque de visibilité qui donne cette impression… Quoiqu’il en soit, nous sommes obligés de sous-toiler la bateau en raison des grains qui peuvent surgir à tout moment et des difficultés à manœuvrer la nuit avec l’un de nous deux bloqué à la barre et le second qui est couché.


Une routine s’installe : en journée, nous ne relayons toutes les 2 heures voire 2h30 afin de nous permettre de souffler un peu. La nuit par contre, nous commençons par deux quarts de 1 heure car les débuts de soirée sont toujours très mouvementés puis si les conditions se calment un peu, on passe alors à des quarts de 1H30. Ce sont des quarts très courts qui permettent de ne pas s’épuiser physiquement, mais aussi de ne pas s’endormir à la barre, car barrer en fixant le compas devient carrément hypnotisant la nuit : nous ne quittons pas des yeux cette aiguille qui oscille et très vite nous finissons par piquer du nez… ! C’est complètement soporifique !

Nous dormons très peu, nous passons beaucoup de temps à nous tenir compagnie et à discuter pour laisser à l’autre le temps de bien émerger avant de prendre la barre. Et lorsqu’enfin nous allons nous coucher, nous avons du mal à trouver le sommeil.


Vers la fin de la traversée, j’ai commencé à avoir vraiment peur pour Alex, j’ai l’impression qu’il est devenu somnambule : à peine couché, je le voyais se lever et déambuler dans le bateau. Lorsque je lui demandais ce qu’il faisait, il me répondait qu’il avait entendu l’alarme AIS ou qu’il avait un problème à vérifier… Une fois, alors que je lui avais dit d’aller se recoucher car il lui restait encore 20 min de repos, je le vois arriver tout habillé et portant son gilet de sauvetage. Etonnée, je lui demande s’il n’a finalement plus sommeil et là, il me répond tout étonné : je sais pas j’étais parti pour me recoucher, je ne comprends pas ce que je fais ici avec mon gilet de sauvetage… Là, j’ai vraiment eu peur, je me suis dit que j’étais en train de le perdre !! Heureusement, il ne restait plus que 2 jours de navigation, sinon je ne sais pas dans quel état il aurait fini. Franchement, je pense qu’on n’a pas dû dormir beaucoup plus de trois heures par nuit.


Mon ressenti


Cette traversée a été pour moi un calvaire du début jusqu’à la fin. Comme je l’ai écrit plus haut, j’ai été très angoissée dès le départ et ce sentiment ne m’a pas quitté pendant la première semaine de navigation. Alors qu’à ce moment-là, tout se passait bien, j’avais une boule au ventre. Je pouvais à peine manger ou même parler tellement j’étais angoissée. L’immensité de l’océan me paraissait hostile, et le manque de repères visuels me donnait l’impression de ne pas avancer, de faire du surplace… J’avais l’impression de revivre sans arrêt la même journée et les journées semblaient sans fin.

Mais lorsque le pilote automatique nous a lâché, j’ai eu comme un déclic. D’un seul coup, j’avais un but, et ce but c’était de faire mon possible pour arriver à bon port. Quelque part, cet évènement m’a sorti de mon espèce d’état végétatif et m’a forcé à reprendre le dessus.


Avec Alexandre, on s’est soutenu comme jamais dans cette épreuve. Quand on sentait que l’un de nous était fatigué, on proposait de garder la barre plus longtemps. On parlait beaucoup de tout, de nos angoisses, de notre ressenti, de ce qu’on ferait à l’arrivée, etc…

On peut dire que cette traversée fut une réelle épreuve pour nous deux à la fois morale, physique et psychologique. Chaque minute a été un combat, mais à chaque nouvelle journée qui se levait, c’était une bataille de gagnée !


L’arrivée à Sainte Lucie


La dernière nuit fut particulièrement difficile, le vent s’était levé, on a essuyé plusieurs grains et surtout on a commencé à devoir faire attention à d’autres bateaux… Après des jours et des jours sans voir âme qui vive, nous croisions enfin du monde !

Au lever du jour, nous commençons enfin à apercevoir Sainte Lucie. Nous pénétrons dans la sublime baie de Rodney au petit matin, nous passons la ligne d’arrivée marquée par une bouée jaune et nous entrons enfin dans le port ! Nous nous amarrons et nous découvrons que les gens de l’ARC sont tous venus nous souhaiter la bienvenue ! On nous accueille avec des rhum punch et un panier garni de fruits et de rhum. Quel bonheur de retrouver la terre ferme et de voir tous ces visages souriants qui sont là pour nous ! Nous arrivons bons derniers, mais on s’en fiche, tout ce qui compte c’est qu’on soit enfin arrivé après ces 18 jours de traversée épiques !



 
 
 

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